Benalla a usé largement de ses passeports diplomatiques après l’Elysée

Des scoops pour la reprise des travaux de la commission du Sénat enquêtant sur l’affaire Alexandre Benalla: le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, a révélé mercredi que l’ex-collaborateur de l’Elysée avait utilisé "presque une vingtaine de fois" ses passeports diplomatiques après son licenciement, et l’a soupçonné de faux.

"M. Benalla a utilisé presque une vingtaine de fois ses passeports entre le 1er août 2018 et le 31 décembre 2018", a déclaré M. Strzoda devant la commission, en précisant que la première utilisation de ces documents avait été faite du 1er au 7 août.

La presse avait révélé peu avant Noël que l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron disposait toujours de passeports diplomatiques et qu’il effectuait des voyages d’affaires auprès de dirigeants africains.

La déclaration du directeur de cabinet mercredi contredit directement l’affirmation, faite par Alexandre Benalla lors de sa propre audition le 19 septembre, selon laquelle il avait laissé dans son bureau de l’Elysée les passeports diplomatiques qu’il avait utilisés dans le cadre de ses fonctions de chargé de mission à la présidence de la République.

Patrick Strzoda a expliqué mercredi qu’un inventaire du bureau de M. Benalla avait été effectué le 2 août, au lendemain de son départ de l’Elysée, et que les passeports ne s’y trouvaient pas. Il a également affirmé que les affaires personnelles de l’ex-collaborateur avaient été déposées dans un carton fermé qu’il n’est jamais venu chercher, malgré plusieurs sollicitations.

"On est confrontés à un comportement fautif d’un individu qui a peut-être profité de failles du système", a-t-il dit.

M. Strzoda a également souligné que M. Benalla avait été en possession de deux passeports de service, le premier délivré en 2016 "bien avant" son arrivée à l’Elysée, le deuxième le 28 juin 2018.

Les démarches pour invalider ces passeports "ont été faites la veille de son départ" de l’Elysée et ils ont été invalidés le 31 juillet 2018, a ajouté M. Strzoda.

Il a affirmé au passage que la demande de l’un des deux passeports de service avait été faite par Alexandre Benalla le 28 juin au ministère de l’Intérieur par une lettre à en-tête du chef de cabinet de l’Elysée, mais "dactylographiée" et non signée. En clair, a-t-il dit, "nous soupçonnons une falsification faite par M. Benalla", et l’Elysée en a saisi la justice.

Face à des précisions selon lui insuffisantes, le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, co-rapporteur de la commission a lancé "Vous ne savez pas grand chose" au directeur de cabinet, s’attirant une réplique cinglante: "Si vous retenez de mes interventions que la maison n’est pas tenue, je peux vous assurer que c’est faux".

Outre M. Strzoda, la commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla entend mercredi le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, ainsi que pour la première fois le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, après de nouvelles révélations sur l’utilisation par Alexandre Benalla de passeports diplomatiques.

La commission des lois du Sénat s’est vu attribuer les prérogatives de commission d’enquête pour six mois le 23 juillet dernier, soit jusqu’au 24 janvier. Après 28 auditions entre juillet et octobre, elle était en veilleuse depuis deux mois.

Christophe Castaner, à l’époque délégué général du parti présidentiel LREM, et Patrick Strzoda avaient déjà été auditionnés en juillet. M. Castaner sera cette fois entendu en sa qualité de ministre de l’Intérieur.

Sont également programmées pour lundi de nouvelles auditions de M. Benalla, l’ex-chargé de mission de l’Elysée, et de son acolyte Vincent Crase, ex-employé de LREM et chef d’escadron dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie.

Les deux hommes avaient été mis en examen pour violence en réunion après des images montrant M. Benalla frapper un manifestant en marge des défilés du 1er-Mai à Paris. Très vite, M. Benalla était apparu comme un élément central du dispositif sécuritaire autour du couple présidentiel et l’affaire avait empoisonné l’été d’Emmanuel Macron.

L’affaire se poursuit aussi sur le terrain judiciaire. Outre l’enquête ouverte cet été sur les violences du 1er mai, le parquet a ouvert le 29 décembre une seconde enquête, cette fois sur les passeports diplomatiques, pour "abus de confiance", et "usage sans droit d’un document justificatif d’une qualité professionnelle".

M. Strzoda a été interrogé la semaine dernière par la police judiciaire dans le cadre de cette nouvelle enquête.

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