Au procès du FN, l’enrichissement suspect d’un proche de Marine Le Pen

Proche conseiller de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon a livré jeudi au tribunal des explications confuses sur l’utilisation, à des fins personnelles, des bénéfices que sa société Riwal a tiré de la vente controversée de kits de campagne au parti frontiste.

Arrivé dans sa troisième semaine de débats, le procès du FN à Paris a délaissé son volet principal -les soupçons d’escroqueries au préjudice de l’Etat- pour décortiquer les dépenses confortables du chef d’orchestre de ce système de kits, lors des législatives de 2012.

De retour à la barre, Frédéric Chatillon, 51 ans, a perdu l’assurance des premiers jours, quand il se présentait en sauveur "omniprésent" de la communication d’un FN criblé de dettes. C’est lui qui avait cassé les prix pour fournir affiches, tracts, sites internet et expertises-comptables, en un temps records, avait-il assuré.

Loyer de son appartement parisien, voyages internationaux, achats d’une Harley Davidson ou d’une montre de luxe à 12.000 euros, mais aussi dépenses de sa femme dont il est alors séparé… Autant de frais réglés entre 2011 et 2013 avec les comptes de Riwal, ou de sa société en participation Dolmen, et qui lui valent d’être jugé aussi pour "abus de biens sociaux".

A l’époque, son chiffre d’affaires provient quasi-exclusivement de ses prestations pour le Front national (devenu en 2018 Rassemblement national). Le coût des kits de campagne -quelque 9 millions d’euros- étant réglé à Riwal par Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, une fois obtenu le remboursement de l’Etat pour les candidats ayant recueilli plus de 5% des suffrages.

– "Droits d’auteur" –

Frédéric Chatillon assume son train de vie de l’époque -"10 à 15.000 euros par mois"- et conteste tout détournement: "chaque année, j’ai régularisé", assure-t-il. En fin d’année, le conseiller de l’ombre de la présidente du FN s’attribuait en droits d’auteur, essentiellement, le montant équivalent aux dépenses assumées par Riwal.

"Pourquoi ne décidez-vous pas de vous verser une rémunération ?", s’étonne la présidente.

"J’ai un bilan annuel, j’ai tout déclaré, tout le monde m’a contrôlé et je n’ai pas été redressé", rétorque-t-il, sans répondre.

Pour l’accusation, ces nombreux déplacements à l’étranger, notamment à Shangaï, Moscou ou en Slovénie, sont des "voyages d’agréments".

Il raconte: "j’ai profité de ces voyages pour prendre des contacts sur place. Je sais déjà à l’époque que mon développement ne se passera pas en France, donc je fais feu de tout bois". Visiblement sans succès.

Beyrouth ? C’est pour aller à Damas où, malgré la guerre, "j’ai gardé un bureau (…) car j’ai eu une activité intense avec le ministère du tourisme et un chocolatier et j’avais des perspectives de développement".

Punta Cana avec ses filles ? Des vacances, "j’ai remboursé avant l’enquête".

Milan ? "J’y suis allé avec Marine Le Pen pendant la présidentielle" de 2012. "Quelle est la prestation ?", insiste le tribunal. "J’étais avec Marine, je faisais des photos", lâche-t-il, laconique, avant de digresser de nouveau: "J’ai été un des piliers de la communication de sa campagne".

"Le cadre n’était pas très clair, aucune prestation n’était formalisée", lui répond la présidente, sceptique.

Parmi ces détournements présumés, le tribunal examine aussi environ 1,4 million d’euros que Riwal a payé de 2011 à 2013 à Unanime, la société de son actuel compagne, Sighild Blanc, elle aussi prévenue mais absente depuis le début du procès.

Graphiste puis directrice artistique pour Riwal depuis 2001, elle s’est subitement mise à son compte fin 2010, tout en continuant à travailler quasi exclusivement pour M. Chatillon.

Derrière ces factures conséquentes, principalement pour la conception assez standardisée des sites internet des candidats du FN, l’enquête soupçonne des prestations surgonflées pour dissimuler les bénéfices de Riwal au profit du couple. M. Chatillon assure, lui, que leur histoire commune n’a débuté qu’en 2013.

Les débats touchant à leur fin, les réquisitions du parquet de Paris sont attendues mercredi avant deux jours de plaidoirie de la défense.

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