Agression sexuelle d’une actrice en France: un réalisateur reconnaît une « erreur », la justice s’en mêle

Accusé par l’actrice française Adèle Haenel de l’avoir agressée sexuellement lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans, le réalisateur Christophe Ruggia a reconnu mercredi l’"erreur" d’avoir joué "les pygmalions" mais a nié toute agression sexuelle, alors que la justice s’est saisie de l’affaire.

Dans une enquête publiée dimanche par le media en ligne Mediapart puis dans une interview filmée le lendemain, Adèle Haenel – aujourd’hui âgée de 30 ans – a mis en cause le réalisateur Christophe Ruggia, avec qui elle avait tourné, à l’âge de 13 ans, son premier film "Les Diables".

Dans cette enquête, l’actrice dit avoir décidé de poser publiquement les mots sur ce qu’elle "considère clairement comme de la pédophilie et du harcèlement sexuel".

Elle a dénoncé "l’emprise" que le réalisateur aurait exercée sur elle pendant la préparation et le tournage du film, puis un "harcèlement sexuel permanent", des "attouchements" répétés sur les "cuisses" et le "torse" et des "baisers forcés dans le cou" qui auraient eu lieu dans l’appartement du réalisateur et lors de plusieurs festivals internationaux, alors qu’elle était âgée de 12 à 15 ans, et le réalisateur de 36 à 39 ans.

Adèle Haenel a été récompensée par deux César – prix cinématographiques pour des productions françaises – au cours de sa carrière. Elle est à l’affiche cet automne avec "Portrait de la jeune fille en feu", de Céline Sciamma, primé au festival de à Cannes.

enquête préliminaire –
L’affaire suscite une vague d’émotion en France, qui pourrait contribuer, au-delà de la gravité particulière de ces accusations liées à l’âge de la comédienne au moment des faits, à briser l’omerta autour des questions de harcellement sexuel dans le cinéma français, deux ans après le lancement du mouvement #MeToo.

Le parquet de Paris a annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire pour les chefs d’"agressions sexuelles" sur mineure de moins de 15 ans "par personne ayant autorité" et "harcèlement sexuel".

L’actrice a dit n’avoir pas souhaité porté plainte, regrettant en direct lundi sur le site de Mediapart qu’il y ait "si peu" de condamnations dans ce type d’affaire en France et dénonçant "une violence systémique faite aux femmes dans le système judiciaire".

Christophe Ruggia continue de nier toute agression dont l’accuse l’actrice, mais admet mercredi avoir "commis l’erreur de jouer les pygmalions avec les malentendus et les entraves qu’une telle posture suscite", dans un droit de réponse à Mediapart.

"Mon exclusion sociale est en cours et je ne peux rien faire pour y échapper" ajoute le cinéaste. "Le Moyen Âge avait inventé la peine du pilori mais c’était la sanction d’un coupable qui avait été condamné par la justice. Maintenant, on dresse, hors de tout procès, des piloris médiatiques tout autant crucifiants et douloureux".

"Un silence si lourd"

La ministre française de la Justice Nicole Belloubet avait regretté mercredi matin sur la radio France Inter qu’elle n’ait pas porté plainte. "Je pense au contraire, surtout avec ce qu’elle a dit, qu’elle devrait saisir la justice, qui me semble être en capacité de prendre en compte ce type de situations". Mais le parquet s’est donc auto-saisi.

Les réactions continuent d’affluer dans le cinéma français. La société civile des Auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP) soutient ainsi "Adèle Haenel dans cette démarche courageuse", tout comme le Syndicat des producteurs indépendants.

La Société des réalisateurs de films, association professionnelle comptant quelque 300 adhérents, avait dès lundi radié Christophe Ruggia.

Des actrices sont également montées au créneau. "Une grande admiration pour Adèle Haenel, qui parle pour celles qui sont dans l’ombre…", a témoigné l’actrice Julie Gayet sur Instagram.

"Adèle, ton courage est un cadeau d’une générosité sans pareille", a posté de son côté l’Oscarisée Marion Cotillard. "Tu brises un silence si lourd".

"Je pense que c’est une sorte de tournant. C’est la première fois en France qu’une actrice internationalement connue, qui travaille beaucoup et a une cote d’enfer, prend la parole sur ce sujet-là", estime la journaliste Véronique Le Bris, fondatrice du site cine-woman.fr, pour qui "ça va forcément avoir des conséquences".

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